André Vladimir Heiz, dimanche 1 juin 2014

Big-Game

Mode d’emploi


« Ping-pong » est une des fenêtres à option du Blog-magazine « Ça-voir-faire »
Elle s’ouvre sur un dialogue consacré à des questions brûlantes de la création,
tous domaines confondus.
Elle permet à des designers et autres créateurs de se montrer et de prendre position, que celle-ci soit utopiste ou réaliste, enthousiaste ou désenchantée, nostalgique ou futuriste.
Il s’agit d’un jeu de miroir et d’un laboratoire où des créateurs et des créatrices
se rencontrent, se retrouvent et se reconnaissent au travers
d’échanges marquants et passionnés.
La création dans tous ses états prend forme.
Le domaine de la création a bel et bien des visages parlants !

Avec Grégoire Jeanmonod et Elric Petit, Augustin Scott de Martinville fait partie de « Big-Game » , un atelier de design contemporain.

André Vladimir Heiz :
On ne fait pas de la littérature avec des idées. L’adage me paraît encore plus justifié pour le domaine du design. Après tant d’inepties mal conçues et des sottises illustratives que la permissivité du postmodernisme a laissé passer,
il faut bien se rendre à l’évidence que le « anythings goes »
ne colle pas avec les exigences du design.
J’aimerais avec toi ausculter le statut de l’idée dans le domaine du design.
En survolant la moisson de vos projets, il me semble judicieux de remplacer ce mot passe-partout de l’idée par « observations » non ?
Nombre de projets que Big-Game a réalisés sont habités par un va-et-vient
de la déconstruction et de la reconstruction, d’un décontextualisation et d’une récontextualisation. Vous êtes donc moins emporté par des brumes d’idées
que porté, transporté par des « observations » que vous importez d’un champ ou d’un chantier pour l’exporter et l’insérer dans un contexte auquel une observation accrue et pointue comme la tienne s’applique.


Augustin Scott de Martinville :

Bien observé ! Je suis tout à fait d’accord, il me semble d’ailleurs que l’observation est l’une des première qualité d’un créateur, quel que soit son domaine.
Ce qui est peut-être caractéristique du travail de BIG-GAME c’est de rester souvent assez proche de l’élément observé… c’est-à-dire que nous aimons souvent tellement le point de départ que nous tenons à ce qu’il soit visible dans le résultat.
Pour illustrer cette idée, voilà trois exemples dans nos récents projets :

 

BOTE – Pour la marque Materia de l’entreprise portugaise Amorim (premier producteur mondial de liège), nous avons repris la logique des bouchons de pêche pour créer des jouets flottants.

 

 

FLAGS – Pour la marque britannique Globe-trotter, nous avons créé des poches à fixer sur les valises qui les transforment en drapeaux.

 


SIGNS – Pour la marque japonaise Karimoku New Standard, c’est le sémaphore qui a servi de point de départ pour imaginer ce porte-manteau auquel les parties mobiles permettent de donner différentes configurations.

Il est donc assez systématique chez nous d’opérer par glissement d’un contexte à l’autre des principes que nous observons. En y réfléchissant, cela ne s’approcherait-il pas du principe de la métaphore dans le langage ?

André Vladimir Heiz :
Métaphore ? Métamorphose ! Les trois exemples font figure d’une méthode qui tient à rester fidèle aux origines de l’observation. Bien vu, bien fait. Où la métaphore risque de s’éloigner de sa source, la métamorphose ne la quitte pas des yeux, afin d’en garder son essence. Sans être trahie ou défigurée, l’observation du départ trouve de nouvelles assises, chemin faisant. Elle est appliquée au sens propre du terme. Elle se plie d’ailleurs à la matérialisation. L’idée – pour y revenir – serait donc un déclic qui se poursuit dans la « morphé », la « formation », l »in-formation » et la « trans-formation » ! Il s’agit, à vrai dire, d’un titre de transport qui assure le passage obligé de A à B, non ?

Augustin Scott de Martinville :
Effectivement, comparer l’idée à un transport ou une transformation fait sens puisque bien souvent le point de départ (la référence) existe, il est connu de tous, et notre apport est de le transformer.
Cependant, comme il s’agit souvent de la matérialisation d’une idée abstraite en un résultat concret, je trouve que plutôt que de parler de métamorphose, on pourrait carrément parler de « morphose » – comme en histoire naturelle – de la même manière que l’on décrit le passage de la larve à un coléoptère.
Ce processus est particulièrement accentué chez nous du fait que nous travaillons à trois et que nous sommes tous impliqués dans les étapes de création d’un projet. L’idée devient ainsi un témoin que l’on se passe comme dans une course de relai.
Comme exemple concret, le tapis MILES.
 

Un collectionneur nous a demandé de créer un tapis pour son bel appartement donnant sur la ville de Bruxelles. La première intuition était donc d’utiliser cette notion de cartographie, d’image vue du ciel, pour créer un motif.


Assez vite, la représentation du réseau routier est passée au premier plan.


Puis nous avons recherché une manière de signifier l’enchevêtrement des routes.


Cela nous a amené à considérer la notion de parcours. 

Ce qui est assez vite devenu un circuit. 

Le résultat est un tapis tufté dont la forme rappelle des entrelacs abstraits, mais dont la fonction devient évidente dès que les trois petits véhicules en bois fournis comme accessoires sont posés dessus. Le collectionneur a d’ailleurs eu des enfants quelques années plus tard…